vendredi 23 septembre 2011

Pourquoi l'état s'acharne t'il sur l'immobilier neuf ?

Le 24 aout, Mr Fillon annonçait un plan de mesures pour augmenter les recettes fiscales, et ainsi réduire le déficit budgétaire de la France.

Comme souvent, les niches fiscales, et l'immobilier en particulier, ont été une cible privilégiée (rabot de 10% sur les niches fiscales, re-rabot de 10%, sur la loi Scellier, taxations plus fortes des plus values, hausse de la CSG RDS). Pourquoi cet acharnement sur l'immobilier, et sur la loi Scellier particulièrement visée ?

Niches fiscales : l'immobilier neuf et la loi Scellier
Il est temps de tordre le cou à de fausses croyances et autres idées reçues.

Définition :
Les niches fiscales sont les dispositions de la législation fiscale qui permettent d'échapper à l'impôt ou d'économiser l'impôt.

1) D'un point de vue philosophique

Est-il éthique de permettre aux contribuables d'échapper à l'impôt ?
Dans la mesure où toute niche fiscale exige une contrepartie du contribuable, les niches peuvent se justifier : en échange d'un effort financier dans un secteur économique spécifique, il est logique d'accorder au contribuable une aide fiscale.
C'est à partir du montant de cette aide, et du retour sur investissement, pour l'état comme pour l'investisseur, que des ajustements doivent se produire, afin de légitimer cette aide.
Si les retours attendus sont décevant, inutile de garder la niche en l'état. Elle doit évoluer pour répondre au mieux aux objectifs attendus par l'état (et pas par ceux des lobbies).

En ce qui concerne la loi Scellier, elle a été créée pour soutenir et relancer le marché de l'immobilier neuf et de la construction, qui, ne l'oublions pas, étaient au bord de l'implosion fin 2008. L'état a parfaitement joué son rôle et a sauvé des centaines d'entreprises, des milliers d'emplois, et soutenu la croissance française pendant que nos voisins européens s'enfonçaient dans la crise et la récession. Ne l'oublions pas.

Cette loi a évolué pratiquement tous les ans, afin de coller au plus près aux objectifs affichés du gouvernement : Ménager les finances publiques, soutenir le marché immobilier, orienter la construction vers des produits plus verts suite aux grenelles de l'environnement.

Le succès assez phénoménal et immédiat du dispositif Scellier a permis à de nombreux contribuables d'alléger de manière substantielle leur imposition, et de soutenir le secteur de la construction.
Reste à déterminer si la défiscalisation offerte était assez équilibrée, trop généreuse, etc... ?


2) D'un point de vue budgétaire

Est-ce judicieux pour l'état de réduire les niches fiscales ? Ont elles réellement un coût pour les finances publiques ?
Certaines d'entre elles sans doute. Pour d'autres, le choix est très discutable.

Prenons l'exemple de la loi Scellier :

La réduction d'impôt offerte en échange d'un investissement dans un logement neuf est de 22% du coût d'achat, étalée sur 9 ans.
Par exemple, un appartement de 200 000 € permet à un contribuable de réduire ses impôts de 44 000 €, soit 4890 € par an pendant 9 ans.

"C'est un gouffre pour les finances publiques !", "c'est un cadeau aux riches payé avec nos impôts", 'supprimons les niches, ça ne sert à rien" etc... Tels sont les commentaires habituels sur les niches, et la loi Scellier en particulier.

Reprenons l'exemple : 44000 € de cadeau fiscal !
- L'état est il perdant ?
Au jour de la livraison du logement, l'état a engrangé 19,6% de 200 000 € en TVA, soit 39 200 €, alors que le cadeau fiscal au contribuable, lui, commencera l'année suivante, et sera étalé sur 9 ans.
De plus, en frais de notaire et de garanties, l'état va percevoir 2500 €.
De plus, l'état va percevoir en impôt sur les sociétés, 33,33% de la marge de chacun des intervenants de la promotion immobilière (promoteur, architecte, notaire, commercialisateur, banque, etc...), ce que l'on peut estimer au minimum à 13 000 € de recettes fiscales.
De plus, l'investisseur paiera sa taxe foncière à partir de la 3ème année : Total sur les 9 ans de réduction d'impôt : 3 000 € pour les collectivités locales.

- Bilan : 44 000 € offerts en défiscalisation, contre plus de 55 000 € de recettes fiscales en retour....

De plus,
sachant qu'un logement neuf fournit entre 1,5 et 2 emplois par an (8,6% de l'emploi en France soit 1 400 000 personnes),
avec un salaire moyen de 1500 € et des charges sociales à 25%,
que la loi Scellier représente actuellement entre 50 et 60% des ventes de neufs (117 000 au total en 2010) ,
soit 60 000 logements neufs rien qu'en Scellier,
soit 90 000 emplois directs,
soit près de 7 000 000 € de charges sociales diverses, qui ne sont pas payées par l'état en prestations et autres allocations....

L'inspection générale des finances, dans sont rapport fin août, fustigeait l’inefficacité et le coût des niches fiscales....
Pour cette illustre institution, une niche fiscale est un coût...
On commence à comprendre comment l'état a fait pour creuser un déficit aussi important....

Néanmoins, la question sous-entendue par l'inspection des finances est : il y aura toujours un volume d'investissement dans l'immobilier neuf, même en enlevant les niches fiscales type Scellier.

Avant de faire la démonstration théorique de cette erreur de jugement, il suffit de regarder simplement les résultats des ventes de neufs début 2011, lorsque le Scellier est passé de 25% à 22% de réduction : -17,2% de ventes sur le 1er trimestre 2011 par rapport au 1er trimestre 2010, rien qu'en abaissant le taux de 25 à 22%... Et le gouvernement compte bien le passer à 14% en 2012...


3) D'un point de vue économique

Pourquoi cette niche fiscale est elle nécessaire pour l'immobilier neuf ?

Avec les normes du neuf (normes handicapés, normes environnementales, contraintes d'urbanisme, coût des matériaux, etc...) il y a inévitablement un surcoût à l'achat dans le neuf, par rapport à de l'immobilier ancien.
Un investisseur cherchant un rendement locatif aura tendance à se tourner plutôt vers l'ancien, car les loyers n'y sont pas forcément beaucoup plus bas pour un prix sensiblement moins élevé. L'ancien est donc plus rentable dans l'absolu.

Pour inciter l'investisseur à se tourner vers le neuf, une carotte fiscale est donc nécessaire.

De plus, investir dans l'immobilier, c'est généralement contracter un emprunt sur 15 ans minimum, et rembourser un montant supérieur à ce que perçoit l'investisseur bailleur en loyers et réduction d'impôts.
La motivation de l'investisseur, percevoir des loyers à terme (qui seront imposés selon sa tranche d'imposition marginale + CSG RDS) ou bien disposer d'un capital à terme (dont les plus values vont être lourdement imposées à partir du 1er février 2012) devra être amplifiée par la promesse d'une aide fiscale.
Il faut bien comprendre que la loi Scellier,
ce n'est pas une trésorerie supplémentaire pour l'investisseur,

mais la promesse d'une épargne un peu moins importante pour acheter de l'immobilier .


Enfin, le principal enjeux de ces niches fiscales, c'est d'inciter la sphère privée à s'impliquer dans un processus que l'état n'est plus en mesure de maîtriser.
Typiquement, la loi Scellier a pour objectif affiché de répondre à une demande de logement toujours plus forte, demande à laquelle l'état ne peux plus répondre depuis les années 80, d'où les lois successives Méhaignerie, Pons, Robien, Besson, Borloo, Scellier, etc...
Ne plus encourager l'immobilier neuf, c'est renoncer à une des préoccupations majeures des français : le logement.

Conclusion :

En attaquant de manière aussi brutale le marché immobilier, l'état va :
- Se couper de recettes fiscales immédiates (TVA, IS, Taxes foncières, etc....).
- Diminuer à terme le montant des recettes liées à l'immobilier.
- Freiner la vente, et par corollaire la construction dans le neuf, avec une baisse de l'emploi dans le BTP : baisse des cotisations, hausse des allocations chômages.
- Augmenter le déficit de logements en France, et donc affaiblir l'offre, ce qui stimulera les prix.
- Par effet d'entrainement, propager le marasme de l'immobilier aux autres secteurs de l'économie, comme en Espagne, aux USA, etc....

Et par les temps qui courent, la France n'a vraiment pas besoin de ça....

jeudi 15 septembre 2011

La loi Scellier destinée aux investisseurs qui achètent des appartements neufs pour les louer devrait être prolongé jusqu'à la fin 2015. Par contre, elle va subir un sérieux coup de rabot...

Rabot sur la loi Scellier

Rappel :

Pour un investissement de 300 000 euros maximum, le dispositif Scellier autorise, pour les biens actés en 2011, une réduction d'impôt de 22% ou de 13% (en fonction de la performance énergétique du logement), et majorés de 10% pendant 6 ans, en cas d'option pour le Scellier intermédiaire.

Double Rabot :
Dans le plan de rigueur annoncé à la fin du mois d'août, le gouvernement prévoyait que le taux de réduction d'impôt de la loi Scellier pour les bâtiments basse consommation (BBC) passe de 18%, prévus initialement pour 2012, à 16% en 2012.
Mais certaines sources proches du gouvernement indiquent, qu'en contrepartie d'une prolongation du dispositif jusqu'en 2015 (dispositif qui devait cesser fin 2012), la loi Scellier baisserait à 14% dans le projet de loi de finances 2012.

Exemple :
Pour un appartement neuf de 200 000 €, l'economie d'impôt annuelle sera de :
4888 € pendant 9 ans (soit 44 000 €) si l'appartement est acheté en 2011,
3111 € pendant 9 ans (soit 28 000 €) si l'appartement est acheté en 2012.


Pour ceux qui voulaient une Scellier, ce n'est plus la peine de s'interroger...
C'est maintenant ou jamais